Comment vous êtes-vous retrouvé dans le festival «Montagne en
Scène» ?
A la base, j’ai fait une première vidéo au début de l’hiver à La
Clusaz, une vidéo simple de vélo dans la neige que j’ai publiée sur
ma page Facebook, et qui a bien tourné. C’était les premières
chutes de neige, une idée originale, et ça a bien marché. Suite à
ça, j’ai vite eu un deuxième projet en tête: une vidéo un peu plus
complète avec des sauts et de la vitesse dans la poudreuse. Et je
voulais vraiment faire un mix de tout ça dans le second épisode. Je
l’ai organisé en milieu d’hiver et entre-temps, j’ai rencontré
Cyril Salomon, qui organise le festival, et on a échangé la-dessus.
Je lui ai proposé un projet qui était de faire un making-of de ma
semaine de tournage. Il faut savoir que ces petites vidéos, je les
fais en général tout seul avec une caméra embarquée, une GoPro,
avec un stabilisateur pour un beau rendu et après je les monte.
Donc je fais tout de A à Z. Là, c’était un peu différent puisque
j’avais un caméraman avec moi toute la semaine qui était derrière
pour me filmer et me donner quelques idées, et on a vraiment bien
bossé ensemble.
Que saviez-vous de ce festival ?
C’est un festival de plus en plus connu, avec de plus en plus de
monde, de tournées, et c’était sympa de pouvoir présenter pour la
première fois du contenu vélo. C’est original parce que ça reste du
vélo sur la neige, ce qui n’est pas forcément commun. Donc c’est
cool de pouvoir présenter ça, j’espère que ça plaira. Bon je ne
suis pas trop habitué à parler devant 2700 personnes comme au Grand
Rex, à Paris, où c’était à guichets fermés, je suis plus habitué à
m’aligner sur des courses où il y a 1000 gars avec moi… Ça n’a rien
à voir !
Justement, comment organisez-vous votre temps ?
Je suis dans le team Sunn, qui est mon équipementier vélo, et je
partage ma saison entre les courses et les projets média, avec 70%
de mon temps consacré à ces projets. Je me suis vraiment spécialisé
là-dedans, j’organise aussi mes voyages, avec les destinations sur
lesquelles je veux aller et le contenu que je veux faire sur place.
Donc j’ai une grande liberté, que je recherchais aussi.
Quand tu poses le vélo sur la neige et qu’il s’enfonce de 40
cm…Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors de
cette séquence ?
Déjà, ce qui est inédit, c’est la combinaison des pointes de
vitesse, des sauts sur la neige et surtout de la poudreuse. Le
matin, je ne savais pas si ça allait marcher. Il y avait 30 voire
40 centimètres de poudreuse, je ne l’avais jamais fait avec autant
de neige. Quand tu poses le vélo sur la neige et qu’il s’enfonce de
40 cm… Et au début de la séquence, j’arrive en skis et j’ai dû
refaire la scène à peu près dix fois. Parce que ce qu’on ne sait
pas, et que je ne montre pas forcément dans le making-of, c’est que
je skie avec mes chaussures de vélo, des chaussures souples, et
j’ai juste l’impression d’être posé sur mes skis. Et c’est
galère ! Ce n’est vraiment pas précis, il fallait sauter au
moment reprendre de l’élan… Donc c’est délicat. Mais ça marque une
belle transition entre le ski et le vélo.
Et en termes d’équipements, aviez-vous un vélo adapté ?
Je voulais vraiment avoir un vélo de série, un vélo de base que
j’utilise toute la saison sur la terre. Je ne voulais pas préparer
du matériel exprès et vraiment me dire: «Je prends mon vélo dans
mon garage, et c’est parti !» J’ai des pneus boue, donc pas
spécialement pour aller sur la neige, qui sont assez fins avec des
crampons assez hauts. Ça reste vraiment de la glisse, il faut
s’adapter à la neige qui varie tout le temps: une fois molle, une
fois dure. Du coup, c’était vraiment délicat à anticiper.
« Je ne fais rien sans autorisation »
Vous attendiez-vous à ce que cette vidéo rencontre un tel
succès, avec plus d’un million de vues ?
Au total, si je cumule tout le total de vues tous supports
confondus ça fait 1,5 million. J’ai eu des retours du monde entier,
des gens du vélo mais pas que. Et c’est ça qui est intéressant
aujourd’hui. Sur la plupart des vidéos que je diffusais avant, ça
restait dans le milieu du vélo, qui est un petit monde où on se
connaît tous. Là, le fait de faire du vélo dans la neige ça marque
un peu les esprits je pense, et ça a intéressé d’autres personnes.
Ce format en vue embarquée avec la GoPro marche bien en ce moment,
j’avais aussi fait un million de vues sur ma première ou sur celle
dans la mine.
Quand on arrive au départ, on se demande ce qu’on fait là…Vous
maîtrisiez déjà bien le vélo sur neige…
Oui parce que tous les ans, on a des courses comme Megavalanche et
Mountain on Hell, où on pratique sur la neige. C’est une mass-start
sur les glaciers, et c’est la plus grosse dose d’adrénaline de la
saison. Quand on part sur un glacier avec 600 gars en même temps,
ça fait peur ! Sur la vidéo, je prends 100 km/h alors que
cette année, sur l’édition de Mountain of Hell, j’ai pris 120 km/h
avec 600 gars derrière moi… Si je tombe, je ramasse et les gars
derrière peuvent me rouler dessus. Mais c’est aussi ce que qu’on
recherche. Même si chaque année, quand on arrive au départ, on se
demande ce qu’on fait là…
Êtes-vous également habité par cette peur lorsque vous tournez
vos vidéos ?
Ce qui me fait peur sur les vidéos, c’est plutôt de ne pas bien
faire. Dans le sens où, quand je pars pour faire une vidéo, j’ai
vraiment des idées en tête et j’ai envie que ça marche. Et ça ne
marche pas toujours alors je suis frustré quand ce n’est pas à la
hauteur de ce que j’espérais. Après, la peur, il faut la maîtriser.
C’est normal d’avoir peur. Le gars qui n’a pas peur et qui fait
n’importe quoi, c’est de l’inconscience et c’est dangereux. En
course, tu es prêt à tout pour être devant en restant intelligent,
mais ce qui me fait peur c’est que tout le monde pense la même
chose (rires). Il faut donc la gérer et ne pas faire le
kamikaze.
Je trouve la route plus dangereuse que le VTTLes chutes et les
blessures contribuent-elles aussi à cette peur ?
Pour le moment, je n’ai pas été blessé trop gravement et j’espère
que ça continuera. Il y a des blessures qu’on ne maitrise pas.
Après, je suis de nature asse calme et le vélo est un moyen de
m’extérioriser. Quand j’étais plus jeune, j’avais tendance à
dépasser un peu les bornes et à ne pas me rendre compte. Ça aurait
pu vraiment mettre un point final à la suite de mes aventures. Mais
j’ai eu la chance d’avoir des blessures qui m’ont fait réfléchir et
qui m’ont permis de repartir derrière. J’ai été opéré huit ou neuf
fois, du poignet, de l’avant-bras, d’un peu partout en fait. Je me
suis notamment cassé le scaphoïde du poignet gauche, qui reste en
soi un très petit os, mais ça m’a arrêté quasiment six mois.
J’ai aussi eu des problèmes au niveau des muscles, ainsi que le
syndrome des loges, qui est connu de beaucoup de sportifs qui
travaillent sur les avant-bras, mais également des kystes, des
plaques, des vis… Aujourd’hui, j’anticipe plus. C’est presque
important de se blesser, ça te forge et tu te rends plus compte de
ce que tu risques. Mais je trouve la route plus dangereuse que le
VTT, où tu peux prendre un arbre. Sur la route ce sont tous les
éléments extérieurs qui peuvent être dangereux, les voitures, les
bus…
Envisagez-vous d’ailleurs de faire des vidéos en milieu urbain,
et quels sont vos autres projets ?
En ville, il y a de quoi faire. J’ai le souvenir d’une époque où il
y avait des descentes organisées sur Montmartre, mais aussi à la
Tour Eiffel. Je n’ai pas de chose précise en tête mais j’y
réfléchis. Il y a vraiment des trucs à faire mais il faut être
créatif et aussi avoir les autorisations. Sinon là je pars sur le
Stromboli, un volcan en éruption au nord de la Sicile, et je ne
sais pas ce que ça va donner ! Il y a aussi le Pérou au
programme. Souvent, quand je pars sur ces trips, je n’ai pas les
autorisations et je négocie sur place. Dans tous les cas, je ne
fais rien si je n’ai pas l’autorisation. Le but n’est pas de faire
n’importe quoi et de respecter aussi l’endroit où je roule, c’est
super important. Après, j’ai toujours plein d’idées, mais je garde
aussi la surprise pour les prochaines destinations. Et j’espère
pouvoir proposer un format un peu plus long dans les années à
venir, ça fait partie de mes projets.
Si vous deviez faire un Top 3 de vos vidéos, quel
serait-il ?
Dans l’ordre, il y a d’abord ce projet sur neige, qui a bien marché
et qui fait qu’on est là. En numéro deux, j’ai le souvenir d’une
vidéo dans le sud de la France, dans le Luberon, avec de la terre
ocre, du jaune, du rouge et un superbe visuel. Je me suis retrouvé
avec des pilotes pros comme l’Américain Ben Cruz, et on a vraiment
passé de bons moments. En numéro 3, je mettrais l’Indonésie, qui
était au top. Ça peut aussi être des vidéos de voyage comme en
Nouvelle-Zélande l’an dernier, mais c’est vraiment dur de choisir
un top 3. C’est quelque chose qui reste, dès fois je retombe dessus
et je me dis que c’était trop bien. Et dans 10, 20 ans, quand je
les reverrai je me dirai probablement que c’était vraiment cool…
(sourire)